Jean-Pierre Perreault (1947-2002)

Sous la direction de Ginelle Chagnon assistée de Sophie Breton, les finissants de 5 écoles canadiennes de formation professionnelle en danse contemporaine travaillent le matériau chorégraphique issu des œuvres Joe et Rodolphe. // Figure de proue de la danse contemporaine canadienne, Jean-Pierre Perreault (1947-2002) a créé des œuvres qui ont fortement marqué son époque et connu un large rayonnement. Il a contribué à l’élargissement du public et influencé des générations de chorégraphes. Perreault était un créateur complet : concepteur de chorégraphies, il signait aussi les scénographies et les costumes de ses œuvres. Dans un univers fait de vastes espaces architecturaux, il situait des êtres fragiles, des danseurs intenses, authentiques, « perreauesques ». Courses, saccades, ruptures, sons et rythmiques sont caractéristiques du style Perreault, une danse qui s’ancre dans l’espace, s’inscrit profondément dans un lieu et produit en partie sa propre musique. Les œuvres de Jean-Pierre Perreault nous convient à un perpétuel rendez-vous avec la nature humaine.//


Under the supervision of Ginelle Chagnon, assisted by Sophie Breton, the graduating students of 5 professional training schools in Canada are gathering to perform a work inspired by Joe and Rodolphe. // Jean-Pierre Perreault (1947-2002), created monumental choreographic works emblematic of their time that captured the audience’s attention across Canada and Europe. These works also contributed to the development of the Canadian contemporary dance scene. Perreault had an enlarged conception of his works. As well as making the choreography, he also created the costumes and imagines a specific environment. In a usually rather large scenic space, he situates fragile beings, intense and authentic dancers. While his dance inhabits the whole space, his movement is often abrupt, photogenic, rhythmical and most of the times, the source of sound. Through his works that are anchored in specific site and in control of their own musicality, he conveys us to be observant of human nature.

lundi 14 mai 2012

Textes de l'Ecole de danse de Montréal / Semaine 13 / Week 13



 Hommage à Jean-Pierre Perreault


Se tenir debout.
Enjamber le pas,  habiter l’espace grand comme le vide.
Courir longtemps… tomber.
S’agripper à l’autre.
Passer, …
Lucie Boissinot
 Rester là. Attendre l’autre.
« Lucie, serais-tu capable de tenir cet équilibre très longtemps ?… »
« Oui Perreault ». Confiance.
Tenir la forme, se battre. Lâcher prise, et sentir au fur et à mesure que les secondes s’égrainent, que cette forme imprime tout en soi un sentiment primordial.
Profonde humanité.
Les chemins de danse que Perreault a défrichés ont laissé en nous de profonds sillons témoins de l’universel. 


Avec amour et admiration,


Lucie Boissinot
Directrice artistique et des études
L’Ecole de danse contemporaine de Montréal
Interprète des œuvres de l’artiste entre 1986 et 2003






Alexandre Fleurent





Le poids, la lourdeur. La chaleur, l’étouffement.
Le manteau se mêle à la foule et se fond en moi.
Les bottes traversent cette masse et m’ancre en ce vide.
Mon corps, sa présence. Son être mon individu.
Le regard sur cette humanité me fait exister.


/ Alexandre Fleurent 

 finissant 2012 
L’école de danse contemporaine de Montréal 




A la rencontre d'une oeuvre pleine de vécu

Et oui, le voyage a débuté il y a plusieurs semaines. Pour ceux qui n’ont pas encore pris l’avion, et bien préparer vos bagages, n’oubliez pas veston, cravate et tout le tralala, car ils ont un effet magique!

C’est donc en se métamorphosant et en travaillant sur cette œuvre que j’ai appris à connaître ce qui vivait en Jean-Pierre Perreault. Ayant bien conscience de l’ampleur du travail, je ne m’imaginais point que cette création était remplie d’autant de détails, de concentration, de justesse et de présence. Par contre, la solidarité et l’écoute brûlaient mes pensées. C’est, sans aucune retenue, que je vous avouerai l’immense respect que j’ai maintenant pour son travail et pour ceux qui le transmettent.


Par cette découverte d’un Nouveau Monde, d’un nouveau pays qui est le mien, je vois aujourd’hui Jean-Pierre Perreault dans l’esprit de mes professeurs.  La présence de cet homme a bel et bien marqué les gens qui me forment pour devenir interprète à mon tour. C’est alors inspirant de vivre l'Histoire dans mon corps, à travers des sensations, comme-ci je remontais dans le temps pour devenir à mon tour ce bon cher Rodolphe et ce bien veillant Joe! 

Laurie-Anne Langis

L’incarnation du personnage 

Qui suis-je? Voilà la question qui tue, même pour soi-même. Donc maintenant comment faire le portrait de ce personnage qui réside en moi durant cette pièce?

Pour rester près de mes impressions, je répondrai en employant des images, des sensations physiques qui me viennent à l’esprit et qui m’habitent.

Je suis le plus vieux de ma famille, possédant alors de l’autorité et de la droiture. Je suis tout de même, au fond de moi, un aventureux qui possède un leadership incroyable, entraînant les gens derrière moi à me suivre d’un bon pas. Je fais confiance en la vie, ce qui me permet d’être détendu, mais toutefois réfléchi. Cependant, j’ai tendance à me complaire dans ce qui est déjà établi.

Je suis de grandeur moyenne, possédant un centre fort comme un homme, mais des mains délicates comme une femme.  Pour le reste, ça m’importe peu, ce n’est pas ma plus grande préoccupation. C’est surtout dans ma façon de me vêtir et de bien me présenter que je prends plaisir.

Rencontre avec Louise Bédard (Extrait de mon journal de bord)

L’image qui me parle beaucoup est celle de l’épouvantail. Le rapport aux poignets et aux mains prend alors tout son sens. Entre autres, je dois trouver un relâchement dans la forme et garder ma volonté et ma détermination. Je dois humaniser la qualité du mouvement. Déjà, ma connaissance en son travail et de ses interprètes a changé (certains d’entre eux n’étaient pas danseurs). Je veux donc m’imprégner du naturel de l’être et de son désir d’anticipation (c’est une question de rythme : tomber dans un mouvement, puis dans l’autre).  Je dois jouer dans la qualité d’une forme qui est vivante et qui émane. Les mains doivent parler, être expressives. Le dos doit être le moteur de nos bras. L’espace doit avoir une texture, de la consistance. Je ne veux pas plaquer les mouvements, ils ne doivent pas être figés. Ils doivent plutôt incarner l’humanité, de ce fait, dégager une énergie, une vibration qui vient de l’âme.

/ Laurie-Anne Langis

Finissante 2012
L’école de danse contemporaine de Montréal



Josia Laberge
Mon expérience avec le travail de Jean-Pierre Perreault n'a pas débuté avec Ginelle et Sophie. J'ai eu la chance de découvrir le matériel de Joe en secondaire III lorsqu'un des danseurs de la tournée, Jean-François Légaré, nous a montré une partie de cette pièce que nous devions danser à notre spectacle de fin d'année. 

Par contre, j'ai vraiment pu saisir toute la finesse et la rigueur que cette pièce demande à un danseur lorsque nous avons travaillé avec Ginelle et Sophie. J'ai redécouvert comment je pouvais m'approprier mon propre Joe en restant dans le cadre d'une gestuelle très précise et spécifique. Ce fut une deuxième découverte de Joe qui, pour ma part, boucle très bien la fin de mon parcours à l’École. 

/ Josia Laberge
finissante 2012 
L’école de danse contemporaine de Montréal  






Louis-Elyan Martin et Alexandre Fleurent
Texte 1

Rodolphe?

Cet homme, grand, les yeux bleus, un teint scandinave, la trentaine, parti en voyage, mais ne sait pas d'où il vient.
Parcours le monde, solitaire, mais bien dans la masse humaine inconnue.
Comme ses yeux, il aime le bleu de la mer, mais aussi l'asphalte, le son des gens qui piétinent autour de lui.
Ces gens, inconnus, leurs visages inconnus. Seul Rodolphe est là avec son visage doux, des yeux tristes, mélancoliques,
qui questionnent, mais ne cherchent pas de réponses. Il observe et s'approprie, cherche et découvre, il est sensible à l'autre, mais pas trop fragile
pour l'avouer, il se camoufle pour se fondre, pour être l'autre, avec l'autre, mais toujours seul.
Louis-Elyan Martin






Il écoute, savoure et fait son chemin. 
Texte 2

Carapace

Je suis unique, mais identique aux autres. Les couches qui me recouvrent, me protègent, me réchauffent, m'emprisonnent, sont mon fardeau.
Je le porte avec honneur et force, car je ne suis pas seul. Le corps continue à vivre là dessous, il respire, il pleure, non pas parce qu'il a mal, mais bien de joie.
L'important ... il danse, je danse, nous dansons.
Je suis imposant dans l'espace et nous sommes dans l'espace. Le poids, la gravité comme si je portais le monde sur mes épaules pour faire des kilomètres
et enfin le nourrir et assouvir sa soif.


Texte 3

re-naissance de l'arbre Perreault

Quant à la renaissance, je vois d'abord de l'eau, celle qui nous a enveloppés foetus, puis vient le ressac de la mer (j'écrivais mère..) et ensuite l'arbre... L'idée du cycle et de l'élévation.
L'inspire venant nécessairement de l'expire, comme la lumière de l'ombre, et de ce souffle s'élance ce mouvement perpétuel dont la répétition n'est jamais à l'identique, mais croît plutôt en spirale, nous faisant autre à chaque pas, à chaque éveil, comme après la nuit, de cette absence au monde conscient, nous nous éveillons changés de tout ce que nous avons traversé... Cette idée aussi qui suit, du temps et de l'instant, de l'imperceptible qui devenant sensible est déjà passé, mais qui vient éclairer un chemin jusque-là inconnu, alors qu'invariablement tracé: une sorte de quête de la connaissance du réel, fuyant à notre regard qui s'accroche aux chimères de nos désirs projetés...emmêlés, qui nous encombrent et nous plongent dans les abysses, et dont seuls les reflets nous parviennent pour entretenir l'éblouissement... Et soudain, là, renait sens... à moins qu'il n'ait sens? Ou que tous ces sens ne soient à creuser ou à lâcher, pour ne laisser que le commencement de cet autre nouveau à venir: éternelles suites et poursuite, dont nous sommes porteurs qu'en passant, et dont nous nous faisons l'écho en acceptant, que la vie fasse en chacun de nos pas re-naissance... Mais je m'égare... cette errance étant sans doute ma renaissance... à suivre...

/ Louis-Elyan Martin
Finissant 2012  
L’école de danse contemporaine de Montréal 




Marie-Eve et Alexia
J'ai trouvé durant le processus que c'était quand même difficile pour le corps puisqu'entre autres nous étions sans cesse sur demi-pointe, on sentait les périostités qui approchaient! 

L'habillement donnait beaucoup de poids et les bottes demandaient plus d'effort... 

Malgré tout, j'ai vraiment embarqué et j'ai été touchée par l'humanité et la poésie de cette pièce. 

Surtout la poésie. 

J'ai aimé pouvoir me concentrer à nouveau très fort sur la connexion au groupe pour l'unisson, on oubliait que c'était difficile de sauter avec ces grosses bottes. Ce qui m'a le plus interpelé, c'était de nourrir d'intentions des mouvements simples, comme les marches, sans quoi ces marches deviendraient futiles. Par contre, au niveau technique, on peut dire que ces bottes te rattachaient au sol!!! 

Marie-Eve Courchesne
Il est clair que maintenant, cette pièce m’apparait différemment. De la vivre m'a montré davantage sa poésie et son sens. Après coup, je regardais des photos de cette pièce et j'étais touchée par la charge des images en étant consciente de ce que les danseurs pouvaient vivre!



/ Marie-Ève Courchesne
Finissante 2012
L’école de danse contemporaine de Montréal  




Marie-France Jacques

Pour moi, travailler le matériel de Jean-Pierre Perreault fut un énorme plaisir. Je connaissais la portée historique de son travail, travail qui a mené de nombreuses figures de la danse contemporaine montréalaise à cheminer en tant qu’interprètes et de qui j’ai la chance de recevoir l’influence actuellement. 

Le matériel de Perreault est loin de ce que l’on pourrait s’attendre d’une danse qui serait linéaire, gracieuse et fluide. Il nous propose d’aborder notre corps d’une autre façon, de l’utiliser comme outil pour le plus grand, outil pour l’ensemble. Il nous propose de jouer avec d’autres paramètres, en l’occurence les bottes et le manteau. 

De plus, il nous demande d’être nous même musique. D’être l’oeuvre à part entière, en tant qu’individu fort qui se fond dans la masse. 

Ce concept fut très intéressant à explorer pour moi. Comment rester fort dans son être tout en se fondant dans la masse pour créer ensemble quelque chose de plus grand que nous. Peu à peu, abordé sous cet angle, le costume cesse de nuire et devient ami. On se plaît à retrouver nos bretelles et notre cravate. On se plaît à jeter les jambes à tout vent avec un poids au bout, à entendre le bruit des bottes qui frappent le sol, comme une grande déclaration d’unité et d’avancement. 
Alexia, Julie, Annabelle, Laurie-Anne et Marie-France...

Le travail de Perreault est à mes yeux un bijou d’exploration, d’affirmation et de poésie et j’ai hâte d’apporter cela sur scène avec l’ensemble des finissants canadiens ! 

/ Marie-France Jacques 
Finissante 2012
L'école de danse contemporaine de Montréal